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Ciel unique : de nombreuses options, de nombreux doutes – La Revue du Trombinoscope

Le ciel unique permet aux compagnies aériennes européennes d’opérer librement dans l’Union sans restriction de fréquence, de capacité ou de tarif. Le transport aérien fait partie des secteurs qui pâtiront à partir de mars 2019 (date à laquelle le retrait prendra effet) d’un « Hard Brexit ».
Le choix de la raison voudrait que le Royaume-Uni adhère à l’accord sur l’espace aérien commun européen, comme l’ont fait la Norvège et l’Islande. Les compagnies britanniques et européennes conserveraient l’intégralité de leurs droits, mais le Royaume-Uni aurait à respecter le corpus juridique européen en lien avec le transport aérien (environnement, droit social, gestion économique des aéroports) sans possibilité d’opt-out ou d’amendement. Ainsi on peut douter de la volonté britannique de choisir cette voie.
Par ailleurs, tout État membre de cet espace (28 pays de l’UE et 9 pays « voisins ») pourrait – au moins théoriquement – mettre son véto à cette adhésion. L’idée pourrait venir à un État qui a mal vécu les effets de la concurrence des low cost britanniques sur sa compagnie historique par exemple !

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Une autre piste consisterait à un accord bilatéral Royaume-Uni – Union européenne tel celui qui régit le trafic aérien UE-Suisse. Ces négociations ne garantiraient pas le maintien de l’ensemble des droits actuels, ainsi la possibilité pour un transporteur britannique d’exploiter des routes intra-européennes se verrait potentiellement soumise à des restrictions. De surcroit, dans l’exemple Suisse, notre partenaire a accepté qu’une partie des règles européennes lui soient opposables.
Alors les britanniques pourraient essayer de négocier des accords séparés avec chacun des 27 États membres mais cette hypothèse, en plus chronophage et de ne pas garantir les mêmes niveaux de droits in fine, n’a pas bien sûr la faveur des européens.
Enfin, si aucun accord n’était trouvé, certains prétendent que les textes antérieurs à l’adhésion du Royaume-Uni dans la communauté redeviendraient applicables. Or le marché a tant évolué qu’ils sont devenus complétement obsolètes !
Bien conscient des risques à venir pour son activité ancrée sur la libéralisation du secteur, le low cost britannique EasyJet a fait savoir qu’il se restructurerait pour obtenir une licence d’exploitation européenne. Elle ne peut être délivrée que sous certaines conditions, entre autres que l’entreprise ait son principal établissement dans un État membre et que plus de 50% de son capital soit détenu par des ressortissants européens.
Au-delà de nos frontières, le réseau aérien britannique repose sur des dizaines d’accords internationaux signés par l’Union européenne avec des pays tiers. Depuis 2002 en effet, la coopération entre la Commission et les États membres a permis à l’Union européenne de se doter d’une politique aérienne extérieure commune. Ce sont les accords dits « ciel ouvert ».
Post-Brexit, le Royaume-Uni s’en trouvera exclu. Là encore, il faut souhaiter bien du courage aux négociateurs d’outre-manche qui devront s’atteler à cette tâche fastidieuse de négocier sans l’avantage stratégique qu’est le marché unique européen. Car les Etats-Unis, la Chine ou l’Inde ne s’adresseront pas à un partenaire commercial de 65 millions d’habitants comme ils le font avec l’Union de 500 millions d’européens !

La Revue du Trombinoscope – Juin-Juillet 2017, p.15

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