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Denain : Usinor, après le choc, le temps des contreparties…

Dans notre édition du 12 décembre, nous revenions sur les quarante ans de l’annonce de la fermeture d’Usinor à Denain. Des milliers d’emplois supprimés en l’espace de quelques années sur un territoire durement éprouvé. Avec quelles comparaisons ?

Si la ville prend le choc de la fermeture d’Usinor de plein fouet, c’est tout le Valenciennois qui souffre. Le gouvernement de Raymond Barre, à l’origine du plan de restructuration de la sidérurgie française, met en place des compensations financières.

L’auto à la place de l’acier

Mise en place par le gouvernement, la Sodinor a pour mission de «rebâtir si possible une industrie dans le Denaisis et le Valenciennois», selon Jean-Claude Lerique, ancien d’Usinor qui y a participé. Reconstruction passée par l’arrivée de l’automobile (la SMAN à Trith puis Sevelnord). D’autres implantations sont considérées comme des contreparties de l’État à la liquidation de l’acier: Recydem à Lourches, un service administratif spécialisé de l’Armée, la création de la ruche d’entreprises de Denain… Ou encore la création de l’université de Valenciennes pour laquelle a milité notamment Jacques Legendre. Celui qui était aussi secrétaire d’État sous Barre affirme avoir pensé à démissionner du gouvernement, mais l’élu a préféré, dit-il, «essayer d’imaginer un maximum de choses pour redynamiser le territoire». Quarante ans après, il le reconnaît: «Devant une saignée comme celle-ci, les compensations ne sont jamais suffisantes (…). Le drame, c’est que ça prend du temps et ceux qui perdent leur emploi le savent bien.» Il faudra attendre les années 1990 pour assister à ce que certains appellent le «miracle valenciennois» associé à Jean-Louis Borloo. Dominique Riquet, élu dans l’équipe Borloo, se rappelle que la pente fut longue à remonter: «On était à 24% de chômage et, quand on est arrivé, les deux premières années, ça continuait à augmenter.» L’actuel député européen estime que le rattrapage de ce qui a été perdu n’a été achevé que «dans les années 2005-2008». Avec un bilan plutôt positif des pouvoirs publics, selon lui: «On a eu 1,5milliard de francs de l’Europe pour le Valenciennois. On a eu un sous-préfet spécifique. Tout le monde s’est retroussé les manches y compris l’État.»

«Samu social»

De l’autre côté de l’échiquier politique, Alain Bocquet, le maire communiste de Saint-Amand-les-Eaux, tout juste élu député au moment de la fermeture d’Usinor, n’a pas la même analyse. Sur les compensations: «On a donné aux collectivités locales un peu de moyens financiers pour faire la soudure, mais quels que soient les gouvernements, il y a eu beaucoup de baratin.» Surtout, au-delà des chiffres bruts d’emploi, se pose la gestion du drame humain. «Beaucoup d’enfants, de petits-enfants ont pu vivre grâce aux parents, aux grands-parents, estime Alain Bocquet. Ces personnes-là ont connu l’oisiveté, la déshérence. Ça fait partie des séquelles. Et ça, l’État et le patronat s’en sont moqué comme d’une guigne. On a installé une sorte de SAMU social.» Avec des indicateurs socio-économiques (chômage toujours supérieur à la moyenne nationale, santé dégradée, pauvreté…) encore dans le rouge aujourd’hui. «Une partie de notre population est actuellement en dehors de l’offre de travail, ajoute Dominique Riquet. Le défi économique a été relevé, on a créé les postes de travail, (…) mais il faut raccrocher le wagon sociétal.» Pas simple de raccrocher les wagons d’un train qui a déraillé il y a quarante ans.

Publié le 4 janvier 2019 par La Voix du Nord. Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’article ici.

 

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