Ils en parlent

Alstom : c’est un mauvais coup porté à tout le monde ! – Challenges

Challenges, le 13 octobre : « Au secours, revoilà le protectionnisme ! »

 

Droits de douane, préférence nationale la tentation de l’intervention de l’Etat pèse de plus en plus dans le discours des politiques. Un mauvais coup porté à l’économie ? Gros plan sur quatre cas emblématiques.

« Restreindre le commerce est clairement un exemple de mauvaise pratique économique ». Avant l’assemblée annuelle du Fonds monétaire international (FMI), qui s’est tenue du 7 au 9 octobre à Washington, sa directrice générale Christine Lagarde a tiré la sonnette d’alarme au sujet des menaces protectionnistes qui réapparaissent sous toutes les latitudes. Relèvement des tarifs douaniers si Donald Trump était élu à la Maison-Blanche, appel de François Hollande et du ministre allemand de l’Economie Sigmar Gabriel à suspendre les négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), perspective d’un Brexit « dur » au Royaume-Uni, retour en force du patriotisme économique et de l’interventionnisme d’Etat à Paris. « Il ne faudrait pas grand-chose pour que le monde parte dans une guerre commerciale semblable à celle des années 1930 », avertit Christopher Dembik, responsable mondial de la recherche économique à Saxo Bank.

« Microprotections en série »

L’hypothèse commence à faire très peur, même si, pour le moment, nous ne visons qu’une version light du retour au protectionnisme. Selon une étude de l’Institut Peterson pour l’économie internationale, le PIIE, « la crise financière de 2008 a déclenché des microprotections en série » qui sont directement à l’origine du tassement actuel du commerce mondial. Ces mesures – par exemple, l’obligation d’intégrer une production locale pour un appel d’offres – « peuvent être individuellement de peu d’importance, mais, prises collectivement, elles s’avèrent toxiques pour le commerce mondial ». Quelle sera la prochaine étape ? Avec le FMI, The Economist a pris la tête d’une croisade contre le retour des vieux démons économiques. « Why they’re wrong » (Pourquoi ils ont tort) titre l’hebdomadaire britannique dans son avant-dernier numéro. Signe qui ne trompe pas, la semaine passée, le ministre chinois des Finances s’est lui aussi inquiété des conséquences d’un « profond populisme antimondialisation ».

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En France : Après Alstom Belfort, l’Etat protège STX

En France le protectionnisme se conjugue avec le retour de la préférence nationale (sur le dossier Alstom) et de la politique industrielle (à propos des chantiers navals STX France). Pour préserver les chantiers navals de Saint-Nazaire, dont l’actionnaire coréen est en faillite, l’Etat fait pression sur la justice de Séoul, qui doit se prononcer sur le plan de restructuration le 14 octobre. Et contrairement au plan de sauvetage de Belfort, personne ne monte au créneau contre cette nouvelle ingérence de l’Etat.

Démentant le 10 octobre les rumeurs de prise de contrôle de l’entreprise, le cabinet du secrétaire d’Etat à l’Industrie Christophe Sirugue a fait savoir qu’il entendait user de toutes ses prérogatives : à la fois de sa minorité de blocage (l’Etat détient 33,34% du capital) et, surtout, de la possibilité de recourir au fameux décret Montebourg qui soumet à autorisation préalable tout investissement étranger dans des secteurs stratégiques. A Paris, on verrait bien une option franco-française avec DCNS, le constructeur naval militaire détenu à 65% par l’Etat et à 35% par Thales, pour lequel Saint-Nazaire a réalisé une partie des porte-hélicoptères Mistral. Rien à voir avec Alstom ?

« L’intervention de l’Etat n’était pas un acte de préférence nationale, recadre le député européen UDI Dominique Riquet, vice-président de la commission des Transports au Parlement européenC’est un mauvais coup porté à tout le monde, non seulement à l’opérateur SNCF, que l’on a chargé de TGV supplémentaires [21 commandés au total, dont 15 pour rouler sur des lignes Intercités] dont il n’a que faire, mais également au constructeur, Alstom, qui a besoin de se restructurer en France ».

Car si ce dernier gagne des marchés à l’international en étant ultracompétitif, il est surprotégé dans l’Hexagone à force d’être biberonné à la commande publique. « La perte du contrat des 44 locomotives en juin au profit de l’allemand Vossloh en est bien la preuve » pointe un dirigeant du secteur, soutenant qu’Alstom affiche des coûts entre 14 et 20% plus élevés en France que sur les autres marchés européens.

« C’est un cercle vicieux classique du ferroviaire français, observe un concurrent. On émet des barrières techniques tellement élevées que les produits ne peuvent pas se vendre à l’étranger. » Comme les fameux TGV à deux étages de la SNCF qu’Alstom n’a jamais réussi à vendre nulle part ailleurs dans le monde. En attendant de voir si Bruxelles interviendra dans l’affaire des TGV de Belfort, c’est la mégacommande de RER pour l’Ile-de-France qui focalise désormais l’attention. L’offre finale doit être déposée d’ici quelques jours pour ce contrat évalué à 3,5 milliards. Là aussi, les critères (plus de 4 500!) requis dans le cahiers des charges sont « déments », juge un industriel. Jusqu’à présent l’espagnol CAF était bien positionné face aux duopoles Alstom-Bombardier. Mais un partage à trois n’est pas exclu, histoire de consolider les autres sites d’Alstom en France.

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