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Brexit : Dominique Riquet, digne héritier du général de Gaulle – Libération

Libération, 22 juin : Cinq raisons pour que Londres reste

Vu de Bruxelles, le «remain» est impératif pour maintenir l’équilibre économique de la zone euro et de la Grande-Bretagne. Il s’agit aussi d’éviter une contagion du référendum aux autres pays eurosceptiques.

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Disons-le d’emblée : le départ de la Grande-Bretagne serait une catastrophe, non seulement pour elle-même, mais aussi, voire surtout, pour l’Union. Ce n’est pas un hasard si les capitales européennes et les responsables communautaires sont unanimement en faveur du remain et croisent les doigts pour que les citoyens britanniques retrouvent la raison dans une campagne marquée par l’émotionnel et l’irrationnel. Passage en revue des cinq principales raisons pour lesquelles le remain, vu d’Europe, doit absolument l’emporter.

Pour éviter une crise majeure

L’Europe n’a jamais été aussi fragile. Depuis 2008, les crises se succèdent et aucune n’a encore trouvé de solution durable : crises bancaire, économique, de la zone euro, des migrants et des réfugiés, dérive autoritaire des pays d’Europe de l’Est, montée des populismes ou de l’euroscepticisme, et on en passe… Le départ du Royaume-Uni, l’un des quatre grands pays de l’Union, constituerait un choc sans précédent qui pourrait avoir raison du projet européen. Beaucoup craignent, à raison, un «effet domino», certains pays, parmi les plus eurosceptiques, comme la Suède, le Danemark, la Hongrie, voire les Pays-Bas, pouvant être tentés de consulter à leur tour leur population. Sans compter l’argument en or que ce départ fournirait aux europhobes français, allemands, italiens… Seul un projet «refondateur», autour de la zone euro, pourrait enrayer cette spirale délétère.

Mais à l’heure où le couple franco-allemand est aux abonnés absents (François Hollande se désintéresse des questions européennes), il relève du vœu pieux. A cette crise politique, s’ajouterait une crise économique : l’incertitude annoncée tant sur le futur de l’Europe que sur le futur des relations entre la Grande-Bretagne et l’Union, si elle survit à ce choc, va décourager les marchés, déjà échaudés par la crise de la zone euro. Investissements gelés, turbulences sur les marchés financiers et monétaires, contraction des flux commerciaux, voilà le menu réjouissant qui attend les Britanniques et les Européens pour les années à venir. Une situation qui aura un fort impact sur la croissance des deux côtés de la Manche, les économies étant fortement interpénétrées.

Pour empêcher d’affaiblir l’Europe commerciale

Certes, le Royaume-Uni n’est plus la puissance mondiale qu’il a été, mais son poids reste important : d’ailleurs, au sein de l’Union, seule la France peut aussi prétendre avoir des intérêts dans tous les secteurs du jeu européen et mondial, l’Allemagne n’étant qu’une puissance commerciale. Ainsi, Londres et Paris disposent de l’arme nucléaire, d’un siège au conseil de sécurité de l’ONU, d’une armée capable de mener des opérations extérieures et d’une diplomatie présente partout dans le monde. Si, sur le plan commercial, le Royaume-Uni n’est plus ce qu’il a été, cela n’est pas vrai en matière de services financiers : la City reste la première place mondiale, y compris pour les opérations en euros. Autant dire qu’un départ de la Grande-Bretagne affaiblirait le poids géopolitique et commercial de l’Union, à condition qu’elle y survive, aux yeux du reste du monde.

Pour obliger l’Union à se réformer

La Grande-Bretagne a actuellement un pied dans l’Union et un pied hors de l’Union. Elle n’est pas membre de l’euro, dispose d’un statut sur mesure dans l’Union bancaire, ne participe pas à la politique de sécurité et d’immigration (sauf si elle le veut). Elle n’est pas dans l’espace Schengen. Elle a encore obtenu de ne payer qu’une partie de sa contribution au budget communautaire. David Cameron, le Premier ministre, a même arraché à ses partenaires, avant de convoquer le référendum, le droit de discriminer les ressortissants européens en matière de prestations sociales et de ne plus être tenu par le préambule du traité de Rome qui se fixe comme but «une union sans cesse plus étroite» entre ses peuples…

Plusieurs pays rêvent d’un tel statut, comme la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie ou la République tchèque. Dès lors, pourquoi refuser à d’autres ce qu’on a accordé à Londres ? Faut-il menacer d’organiser un référendum pour obtenir de ne pas participer aux politiques qui n’intéressent pas un pays ? En clair, ne serait-il pas temps d’organiser sur le plan institutionnel une Europe des cercles concentriques, quitte à ébrécher davantage le mythe d’une Europe unie avançant d’un pas déterminé ? Seul Londres peut forcer cette clarification.

Pour éviter que l’UE se renferme sur elle-même

Sans le Royaume-Uni, l’Union ne serait pas ce continent libre-échangiste qu’elle est devenu au fil des ans : la France, et dans une moindre mesure l’Allemagne, y aurait veillé. Londres a trouvé dans la Commission, mais aussi dans les pays nordiques et ceux de l’Est européen, de fidèles alliés afin de défendre l’ouverture des frontières européennes la plus large possible. De ce point de vue, on peut dire qu’il a réussi à faire adhérer l’Union à l’Association européenne de libre-échange, cette organisation que Londres a initiée en 1960 pour faire place au trop protectionniste marché commun (avant de le rejoindre en 1973). Si le Royaume-Uni partait, nul doute que le libre-échangisme érigé en alpha et oméga de l’action européenne en prendrait un sacré coup, comme le montre la contestation de plus en plus grande qu’il suscite sur le continent. De même, le Royaume-Uni a été le plus fervent défenseur de l’élargissement aux pays de l’Est : sans lui, il n’aurait sans doute pas eu lieu en 2004 et les adhésions se seraient faites au compte-gouttes. Ce n’est pas un hasard si tous les pays des Balkans qui veulent rejoindre l’Union, mais aussi la Turquie, sont en faveur de son maintien dans l’UE. Bref, sans Londres et son amour du grand large, l’Europe prendrait le risque de se refermer sur elle-même.

Pour épicer un peu les relations franco-britanniques

En France, des europhiles assument leur soutien au Brexit : Michel Rocard, Jacques Delors, l’eurodéputé UDI Dominique Riquet ou encore Jean-Marie Cavada. Ils sont les dignes héritiers du général de Gaulle qui, par deux fois, en 1963 et en 1967, s’opposa à l’adhésion de la Grande-Bretagne. En secret, beaucoup rêvent d’un départ des Britanniques qui permettrait de redonner à la France la place centrale qui fût longtemps la sienne. En restant, elle évitera que les rêves français se réalisent : non à l’Europe sociale et fiscale, non à toute politique industrielle, oui à une politique de concurrence ultralibérale, non à l’augmentation du budget européen ! Mieux, elle pourra achever la conquête du Vieux Continent qui, petit à petit, adopte le tout-anglais et les valeurs qui vont avec. Et cela, au grand soulagement de la plupart des pays européens qui n’ont absolument aucune envie d’une Union dominée par la France et l’Allemagne.

Pour eux, la Grande-Bretagne est un contrepoids absolument essentiel pour éviter la concrétisation de ce cauchemar napoléonien.

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