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[CNPTU] L’EUROPE, LES TRANSPORTS ET LE TOURISME

Monsieur le Député, à quelques mois d’échéances électorales importantes, pourriez-vous nous rappeler le rôle de l’Union Européenne en matière de transports et son incidence sur le tourisme ?

Tout d’abord, il convient de préciser que juridiquement, l’Union Européenne (UE) dispose d’une compétence partagée en matière de transport et d’une compétence d’appui dans le domaine du tourisme. Ainsi, d’après les traités européens, cela signifie qu’en matière de transport, un État membre est libre de légiférer et adopter des actes contraignants à condition que l’UE n’ait pas exercé sa compétence ou décidé d’intervenir. À contrario, concernant la politique relative au tourisme, l’UE ne peut intervenir que pour soutenir, coordonner ou compléter les actions des États membres qui restent donc les principaux décideurs. De fait, le rôle de l’UE est bien plus prégnant en matière de transports qu’en matière de tourisme.

En ce sens, même si le chantier n’est pas fini, la mise en place d’un marché européen unique des transports a été l’une des premières réalisations concrètes de l’UE, et l’une de ses plus grandes réussites. En effet, l’Union repose sur quatre grandes libertés : la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes ; or ces libertés, pour être réellement effectives, s’appuient sur le transport – ce qui en fait un constituant essentiel de notre ADN européen. À titre d’exemples, cela signifie que les entreprises et citoyens européens peuvent désormais circuler librement au sein de l’Union, mais ont également pu bénéficier d’une baisse des prix du transport, d’une augmentation des normes de sécurité, ou encore d’une progressive harmonisation du cadre technique, social et fiscal. On l’oublie parfois, mais si par exemple, nous avons parmi les plus hauts niveaux de protection en ce qui concerne les droits des passagers, c’est grâce à l’Union, et surtout au Parlement européen qui s’est toujours battu en ce sens.

Outre ces réalisations concrètes, l’UE joue un rôle majeur dans l’élaboration d’une politique d’avenir, notamment sur le plan environnemental. Les initiatives sont nombreuses et touchent tous les modes de transport. Par exemple, le Parlement s’est prononcé il y a quelques semaines pour réduire de 40% les émissions des voitures à l’horizon 2030, émissions qui représentent actuellement près de 20% du total d’émissions de l’Union. Dotée d’une stratégie à long terme, l’UE mène une politique ambitieuse afin de réduire la pollution de l’air ainsi que sa dépendance vis-à-vis du pétrole tout en favorisant l’essor du leadership technologique européen et une mobilité durable et intelligente.

Pour autant, en raison de sa nature transversale, le tourisme est directement concerné et impacté par la politique des transports menée par l’UE. En effet, le secteur touristique repose en grande partie sur le transport de touristes et est donc grandement tributaire des décisions prises en matière de transport. Ainsi, lorsque l’Union européenne légifère sur ces questions, elle prend bien sûr en considération le secteur du tourisme qui représente le troisième secteur d’activité économique dans l’Union – contribuant presque à hauteur de 10% du PIB européen. Bien que la politique en matière de tourisme relève principalement de l’apanage des États membres, l’Union européenne dispose d’un levier d’influence non négligeable par le truchement de la politique des transports. À cet égard, l’UE a ainsi réussi à orienter la politique en matière de tourisme vers une ligne plus en accord avec les divers engagements environnementaux, afin de limiter l’impact du tourisme sur les ressources naturelles et l’écosystème tout en préservant les objectifs d’emploi et de croissance.

Existe-t-il, selon vous, une véritable politique européenne du tourisme ? Et si oui, laquelle ?

Comme expliqué auparavant, le tourisme relève, pour l’essentiel, de la compétence étatique, ce qui se matérialise par l’absence de ligne budgétaire dédiée au niveau européen. Pour autant, cela n’empêche pas l’Union européenne d’être la première destination touristique au monde. Conscients des retombées économiques engendrées par le tourisme, l’UE a donc, de concert avec les États membres, encouragé l’émergence d’une vision européenne du développement touristique et ce, au travers de plusieurs initiatives.

Ainsi, l’Union a, dans un premier temps, consolidé son leadership. Pour ce faire, elle a notamment lancé un portail de promotion de l’Europe en tant que destination touristique, mis en place le prix du patrimoine culturel de l’Union européenne afin de récompenser les initiatives remarquables de conservation du patrimoine européen et de sensibilisation à la richesse de ce dernier.

Dans un second temps, l’Union a ambitionné de promouvoir une nouvelle forme de tourisme. Dans cette optique, fut notamment lancé « Eden », un programme de promotion des destinations touristiques européennes d’excellence et des destinations émergentes ou encore peu connues. De plus, afin de donner une dimension plus sociale à son tourisme, l’UE a également mis en place le programme « Calypso » afin de faire profiter les catégories de personnes habituellement exclues (familles indigentes, jeunes adultes non privilégiés…) tout en participant en parallèle au cofinancement de projets destinés à faciliter l’accès des sites aux personnes âgées, handicapées ou en mobilité réduite. Enfin, il faut mentionner une belle réussite de l’Union dans ce domaine, que sont les journées européennes du patrimoine qui permettent chaque année à plus de 20 millions de personnes de profiter gratuitement de milliers de sites rarement accessibles au public.

De manière plus générale, le développement touristique tel qu’il est entendu à l’heure actuelle au niveau européen entend servir deux objectifs. D’une part, l’UE souhaite s’assurer que sa compétitivité soit préservée et en sorte renforcée. Cela passe par une coopération plus étroite avec notamment le renforcement des synergies existantes entre chaque pays européen comme le fait la Commission européenne lorsqu’elle finance des projets transfrontaliers de tourisme. D’autre part, le développement du tourisme européen ambitionne d’être avant tout durable afin de notamment préserver le patrimoine naturel (instauration des zones Natura 2000), construit et archéologique (classement Unesco). Ainsi cette nouvelle forme de tourisme moderne entend favoriser l’établissement d’un standard européen promouvant l’excellence environnementale tout en garantissant une qualité élevée des prestations dispensées.

Ce faisant, et malgré la liste non exhaustive des mesures mises en œuvre par l’Union, il serait, à mon sens, à défaut de pouvoir parler de véritable politique européenne du tourisme, plus opportun de parler de vision européenne du développement touristique.

Article publié dans le cadre de la Conférence Nationale Permanente du Tourisme Urbain

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