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[THE EUROPEAN FILES] FINANCE DURABLE : PLACE À l’ÉTINCELLE INSTITUTIONNELLE

Le nouveau cycle institutionnel de l’Union européenne n’a que quelques mois et la finance durable est déjà au centre des discussions. Les raisons de cet engouement soudain sont aisément identifiables: volonté populaire et des entreprises d’agir pour la planète par le biais de l’investissement, disponibilité politique et flexibilité économique. Les chiffres sont évocateurs de l’ampleur de l’intérêt pour la finance verte, puisqu’au moins 30,7 billions de dollars de fonds sont investis dans des investissements durables ou verts, en hausse de 34% par rapport à 2016. Un chiffre qui représente un tiers des actifs sous gestion suivis.

Cependant, que constitue exactement un investissement « durable » ou « vert » ? Peut-on considérer que les investissements dans les panneaux solaires, les trottinettes électriques, les centrales nucléaires ou dans la R & D pour le « verdissement » de l’industrie minière soient tous éligibles à ce label ? La réponse est a priori négative et appelle à une définition juridique précise, ce qui est l’objet du règlement taxonomie. Le Parlement européen est d’ores et déjà prêt à entrer en négociation avec le Conseil et la Commission à ce sujet. Il convient en outre de s’intéresser aux moteurs de cette tendance pour en saisir les caractéristiques. Il est en effet inhabituel de voir les investisseurs se tourner vers des produits financiers plus risqués et souvent moins rentables. À cet égard, certains pourront pointer une volonté peu louable de greenwashing de la part des acteurs économiques. La raison profonde de ce virage comportemental réside toutefois et avant tout dans une volonté de recherche de la soutenabilité économique de nos systèmes en s’inscrivant dans une stratégie d’investissement de long terme. William Nordhaus, prix Nobel en sciences économiques en 2018, a établi à ce propos que la poursuite effrénée de la croissante serait à terme ruineuse pour tous en raison de l’impact du changement climatique sur l’économie. Il apparaît, en définitive, que la thématique de l’investissement de long-terme ne peut plus être appréhendée sans sa composante écologique.

L’importance de la finance verte établie, notre réflexion se porte sur le rôle des pouvoirs publics dans son développement. L’identification des stratégies de greenwashing est une première étape à dépasser du fait du danger pour la crédibilité de la tendance. Cet objectif peut être atteint soit par les pouvoirs publics avec la réglementation, soit via des corps privés à travers la création de labels. Le point le plus délicat réside dans le rôle -incitatif ou non- à endosser pour le législateur. Des solutions fiscales existent à l’échelle nationale, tout comme le recours aux subsides ou à l’attribution de marchés publics. Mais pour atteindre les objectifs de l’Union européenne, fixés lors de la COP 21 à Paris avec notamment la réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre, il nous faudra combler un déficit d’investissement estimé à 180 milliards d’euros par an. L’essentiel de cet écart pèsera sur le secteur privé mais l’initiative de cette nouvelle dynamique relève, en revanche, des acteurs publics. Le plan Juncker est un bon exemple de la manière de conceptualiser le rôle du financement public en la matière. Cette initiative nécessaire – que nous avons soutenue depuis le début – a été initiée dans un contexte où la zone Euro commençait à peine à se relever de la crise économique. Les critères d’attribution du fonds étaient ainsi essentiellement liés à la croissance. InvestEU, son successeur, sera résolument plus vert en consacrant une part précisément définie de ses ressources à des investissements durables et en conditionnant l’attribution des fonds à l’évaluation de la soutenabilité des projets.

En parallèle de ces actions opérationnelles, un cadre stratégique doit être défini au niveau européen afin que la transition ne soit pas coûteuse en termes d’emplois. La transition écologique est en effet avant tout une transition économique. Pour qu’elle ne soit pas un fardeau mais bien une opportunité, l’Union doit adopter une législation audacieuse afin de promouvoir le financement de projets durables tout en garantissant une certaine prévisibilité juridique pour les entreprises. Il convient de rappeler que la durabilité d’un investissement va au-delà de son impact environnemental et doit être évaluée à l’aune des trois facteurs ESG, incluant ainsi les facteurs sociaux et la gouvernance.

Comme souvent, nos efforts pour construire un cadre européen efficace en matière de financement durable devront prendre en compte la perspective mondiale et le fonctionnement des marchés financiers.

Des initiatives non-gouvernementales, comme l’Intergroupe sur les investissements durables et de long-terme, visent déjà à rapprocher législateurs, entreprises, société civile et acteurs des marchés financiers, et constituent un levier indispensable pour développer l’approche multidimensionnelle nécessaire en matière de finance durable. À suivre : ce sujet sera, sans l’ombre d’un doute, l’un des enjeux majeurs de ce nouveau cycle institutionnel.

Dominique Riquet, Député européen Renew Europe

Simona Bonafè, Député européenne S&D

Adina-Iona Valean, Député européenne PPE

 

Article initialement publié en anglais. Retrouvez ci-dessous l’article en version originale :

 

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