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Grèves : le système ferroviaire s’effrite – L’Opinion

Panne de signaux pour la libéralisation du rail européen

L’Opinion, le 18 avril : Le compromis final sur la libéralisation du transport national de voyageur est prévu mardi 19 avril. Service minimum en prévision.

Les faits – Le Parlement européen, la Commission et le Conseil doivent publier l’ensemble des projets de textes législatifs pour parachever la création de l’Europe du rail, déjà effective pour le fret et le transport international de voyageurs. Mais le souci de préservation des intérêts des grands opérateurs nationaux français et allemand risque de vider le texte de sa substance.

Depuis 2001, la construction de l’Europe du rail a avancé à un rythme de tortillard. On a d’abord ouvert à la concurrence les services de fret transeuropéens (2001), le fret domestique (2004) puis les services commerciaux de transport de voyageurs, ainsi que le cabotage en 2010. Des avancées nommées respectivement et peu gracieusement premier, deuxième et troisième paquets ferroviaires. Le quatrième paquet est âprement discuté depuis 2013 par la Commission, le Conseil et le Parlement européens. Le texte de compromis qui servira de base à de futurs textes législatifs doit être présenté le 19 avril. C’est sans doute le paquet qui conduit au plus de freinages. Il concerne la libéralisation du transport de voyageurs sur les marchés domestiques d’ici à 2019 et l’interopérabilité et la sécurité des systèmes ferroviaires.

Ce dernier point technique a été traité de façon très satisfaisante, constate Dominique Riquet, député européen UDI et vice-président de la commission transports au Parlement européen. Il va être plus simple de faire rouler des trains à travers l’Europe grâce à l’harmonisation des signaux, des diplômes, des normes et grâce au renforcement de l’Agence européenne du rail (ERA) qui sera un vrai régulateur. Cela, c’est réglé avec succès. C’est pour la suite, le volet qui concerne l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, que ça s’est gâté.

La Commission a logiquement poussé à l’ouverture du secteur à la concurrence la plus large possible. Le conseil des ministres européens a, lui, accumulé les obstacles.

La contribution du Conseil s’est révélée être la somme des demandes particulières de tous les États. Cela donne une position fragile où rien n’est négociable, à moins de trahir un État en particulier. Certains États comme la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou la Suède qui ont déjà un système ouvert ne défendent rien de particulier, d’autres comme l’Italie et l’Espagne défendent une ouverture mais avec délai et enfin, certains Etats trouvent toutes les excuses pour défendre le monopole de l’opérateur historique. Pour un pays comme le Luxembourg, très petit, cela peut se comprendre car l’opérateur national serait littéralement balayé par la concurrence des grands opérateurs. Pour la France et l’Allemagne il s’agit clairement de défendre la SNCF et la Deutsche Bahn… mais pas par souci d’efficacité. Plutôt par crainte des réactions des cheminots qui ont fait céder un certain nombre de gouvernements lors des précédentes tentatives de réforme de l’entreprise, se désole Dominique Riquet.

Les réseaux de la SNCF sont vieillissants, avec d’énormes besoins de modernisation et d’entretien. Or, l’Etat n’a plus d’argent et SNCF réseaux a 40 milliards d’euros de dette

La France défend à toute force le modèle intégré de la SNCF, qui fait que réseau et transport de voyageurs sont logés dans la même holding, constate Dominique Riquet. Cela rendra très difficile l’arrivée d’un transporteur extérieur, qui discuterait avec un gestionnaire de réseau à la fois juge et partie. La France milite aussi pour qu’un grand nombre de marchés, régionaux par exemple, ne soient pas soumis à appel d’offres pour les opérateurs de transport. De cette façon, les collectivités pourraient continuer à les attribuer à la SNCF. Ou alors, pour que les pouvoirs publics puissent imposer des obligations de service public sur certains tronçons, de façon à dégoûter les opérateurs privés.

En fin de compte, seules les lignes à grande vitesse pourraient être ouvertes à la concurrence et encore, l’Etat pourrait imposer aux opérateurs alternatifs de payer des compensations à la SNCF pour la perte d’exploitation. Quant à la date de 2019, elle semble illusoire. Il faut plutôt viser 2026.

En France, l’ouverture à la concurrence sur le quatrième paquet ne sera qu’un très discret entrebâillement, résume Dominique Riquet.

Pour le parlementaire, ce ne serait pas trop grave si le modèle français défendu était un modèle d’excellence, mais tous les signaux sont à l’orange. Les comptes de la SNCF, qui a pour unique actionnaire l’État, sont dans le rouge. Les réseaux de la SNCF sont vieillissants, avec d’énormes besoins de modernisation et d’entretien. Or, l’Etat n’a plus d’argent et SNCF réseaux a 40 milliards d’euros de dette (50 milliards pour l’entreprise dans son ensemble). Cela cause, pour SNCF Mobilité qui gère le transport en tant que tel, des accidents, incidents et retards et la SNCF a de plus en plus de mal à renouveler son matériel. Et Dominique Riquet de conclure :

Le système ferroviaire s’effrite, en termes de service, de qualité, d’emplois (on est passé de 250 000 cheminots en 1996 à 150 000 aujourd’hui), de lignes desservies. On bloquant la libéralisation, on ne se soucie pas des clients et du bien public. On acte simplement le fait que l’opérateur national n’est pas en mesure d’affronter la concurrence.

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