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[THE EUROPEAN FILES] INFRASTRUCTURES : CHANGER DE PARADIGME POUR PREPARER LA MOBILITE DE DEMAIN

La mobilité de demain sera plus propre, plus intelligente et plus polyvalente. Quand on évoque cela, on s’imagine facilement des voitures sans conducteur, des véhicules connectés et/ou autonomes, ou encore des applications de mobilité plus intuitives et performantes sur nos smartphones. Toutefois, pour permettre l’avènement de cette mobilité, les infrastructures de transport devront s’adapter : car elles accompagnent et supportent non seulement cette profonde transformation, mais en font également partie intégrante.

Il va sans dire que les besoins d’investissement en infrastructures de transport sont colossaux: environ 130 milliards d’euros par an dans l’Union européenne (sans même tenir compte de ceux liés à la maintenance). Comment expliquer des besoins d’une telle ampleur ? L’une des principales raisons est un changement de paradigme dans notre approche des infrastructures de transport : alors qu’elles étaient auparavant conçues pour permettre aux véhicules de se déplacer d’un point à un autre, elles doivent aujourd’hui répondre à un nombre croissant de missions. Et dans un contexte de contraintes budgétaires, tant au niveau de l’UE que des États membres, apporter une réponse infrastructurelle adéquate et appropriée constitue un défi de taille.

En premier lieu, il y a la lutte contre le réchauffement climatique. À l’heure actuelle, 72% des émissions de CO2 des transports proviennent du secteur routier, un secteur qui représente plus de 25% des émissions de gaz à effet de serre totales dans l’UE-28. Les infrastructures de transport ont un rôle important à jouer dans la réduction de ces émissions via deux leviers d’action différents mais complémentaires. D’une part, en mettant l’accent sur la multimodalité et l’interopérabilité, notamment par un transfert modal de la route vers le rail (moins polluant), tant pour les voyageurs que pour le fret, ce qui suppose des réseaux ferroviaires développés, étendus et connectés. Shift2Rail est à ce titre une initiative réussie, mise en place par l’UE, afin d’atteindre cet objectif. D’autre part, le développement des carburants alternatifs et des véhicules électriques est intrinsèquement lié à l’infrastructure et au déploiement des stations de recharge. Pleins de promesses – et parfois de fantasmes – ces véhicules réduiraient considérablement les émissions tout en favorisant la production et l’injection d’énergie renouvelable dans le réseau, grâce à une infrastructure dédiée, augmentant ainsi la résilience des marchés énergétiques. Cependant, pour que le véhicule électrique révolutionne le marché, il faudra obligatoirement investir à la fois dans l’infrastructure de charge et dans le renforcement du réseau électrique ainsi que dans les capacités d’interconnexion. Durant trop longtemps, les constructeurs automobiles justifiaient leurs réticences à produire des véhicules à carburant alternatif en invoquant le manque d’infrastructures adéquates. Seuls des investissements substantiels dans ces infrastructures mettront un terme à ce cercle vicieux, et permettront le déploiement de véhicules et d’infrastructures propres, contribuant dès lors à la réalisation de nos objectifs environnementaux et à l’amélioration de la santé publique.

Deuxièmement, il est primordial de préserver et de renforcer notre compétitivité. Cet objectif a été l’un des premiers de la politique européenne des transports, et sans doute l’une de ses plus grandes réalisations. Cependant, un long chemin reste à parcourir avant l’accomplissement du Réseau Transeuropéen de Transport (RTE-T), dont les investissements sont estimés à 1,5 billion d’euros. Les bénéfices attendus sont néanmoins considérables : faciliter les connexions transfrontalières, stimuler la cohésion économique, sociale et territoriale en Europe, et contribuer à la compétitivité de l’économie tout en luttant contre le changement climatique. Dans un contexte de concurrence internationale accrue, cet aspect constitue un élément vital pour la prospérité de l’économie européenne.

De plus, il est nécessaire de garantir une mobilité plus sûre en Europe. Les infrastructures sont évidemment cruciales à cet égard. L’état des routes a un impact énorme sur la sécurité de leurs usagers, ce qui soulève la question de l’entretien des infrastructures. Afin d’accroître notre sécurité, mais également notre compétitivité, l’intégration des nouvelles technologies de transport dans les infrastructures constitue un autre élément absolument nécessaire (5G, haut débit, véhicules de communication aux infrastructures, etc.). En effet, le déploiement des véhicules connectés et autonomes, facilité par des infrastructures suffisantes, améliorera le système de mobilité européen dans son ensemble, rendant les transports plus sûrs, plus accessibles et durables.

Ainsi, dans l’état actuel des choses, les enjeux sont élevés, les efforts nécessaires considérables, et les capacités budgétaires, en comparaison, fort limitées tant au niveau européen que national. Alors que les incertitudes politiques et budgétaires sont fortes – ce qui a un impact négatif sur les investissements privés – de nombreuses problématiques demeurent, telles que la délicate question de la maintenance des infrastructures. Dans le même temps, les décideurs doivent, en plus de ces contraintes, garder à l’esprit que l’acceptabilité sociale de la transition écologique n’est pas un acquis, qu’elle ne va pas de soi, mais nécessite une approche globale et cohérente ainsi qu’un véritable débat démocratique. Les récents évènements en France nous ont vivement rappelé qu’une attention particulière doit être accordée aux personnes les plus vulnérables, que ce soit sur un plan social ou géographique (notamment pour les zones rurales et périphériques). Si nous voulons que ces populations participent à la transition écologique, il est impératif que la charge de cette transition soit partagée équitablement et que la cohésion et la connectivité de nos territoires demeurent garanties.

L’avenir de la mobilité européenne – mais plus largement, de nos sociétés et leur cohésion – est en jeu. Nous nous devons de décider et d’agir en conséquence le plus tôt possible, afin de mettre en pratique ce changement de paradigme en investissant aujourd’hui dans les infrastructures de demain. Compte tenu de l’urgence de la situation, chaque effort déployé en ce sens compte. Car, comme nous avait alerté avec sagesse Camus, « la vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent ».

Article publié le 28 janvier 2019 par « the European files », à retrouver en anglais ici

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