«Je propose de demander à la Banque européenne d’investissement un prêt sur cent ans garanti par l’État», suggère Dominique Riquet. «Ce n’est pas une position fantaisiste: l’an dernier, la BEI a accepté plusieurs fois de tels prêts. Et si ce n’est pas sur 100 ans, 50 ans sont désormais une période courante», assure le député. Estimant que la durée, comme pour un ménage, permettra des remboursements moins lourds. La balle pourrait donc de nouveau être dans le camp de l’État. Sauf que depuis le début, celui-ci ne veut entendre parler d’un crédit dédié… qu’en «dernier recours». Il y a quelques semaines, c’est le sénateur LR de l’Oise Jérôme Bascher qui s’emportait un peu devant Olivier Dussopt, secrétaire d’État aux Comptes publics: «Si l’Union accepte de financer le canal à cette hauteur, c’est que le jeu en vaut la chandelle! Hélas, il y a les experts français, qui, dans les ministères, depuis de nombreuses années, s’acharnent à ne pas faire aboutir ce projet. Nous avons besoin, je vous le dis clairement, d’un milliard de crédits budgétaires.» À en croire l’ancien maire de Valenciennes, le fluvial n’a jamais suscité d’enthousiasme en France. «Pour le canal du Midi, mon ancêtre avait obtenu des lettres patentes de Louis XIV… qui ne lui a jamais donné un kopek. Alors que les notables défendaient ce projet bon pour le négoce du vin…», raconte Dominique Riquet. «L’affreuse vérité, c’est que ni la Direction générale des transports ni Bercy n’en veulent.» Chaînon manquant pour la liaison Seine-Escaut (le cœur du projet européen), le fameux canal à grand gabarit entre Compiègne et Aubencheul-au-Bac (Nord) serait-il condamné au même dédain trois siècles plus tard? Sarkozy, Hollande, Macron… Les trois présidents ont promis le canal. «Mais l’affreuse vérité, c’est que ni la Direction générale des transports ni Bercy n’en veulent», assène Dominique Riquet. «Le dossier est sous la pile», continue le député européen, au risque de contredire le Premier ministre qui s’était engagé sur un lancement des travaux pour la mi-2020. Les élus des territoires «mouillés» pensent malgré tout avoir gagné une manche depuis que la direction du projet – sous l’impulsion du président de région Xavier Bertrand – a été transférée à un établissement public régional situé à Margny-lès-Compiègne (Oise). Mais pour apporter son milliard, l’État exige une ressource «affectée au financement du canal.» Une taxe dont les modalités peinent à être définies. En tout état de cause, il ne faudra pas pénaliser les entreprises locales. Aux yeux des élus, des mois, voire plus (dont une partie des crédits européens), pourraient encore être perdus…