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SNCF : le statut exorbitant des cheminots est en train de couler l’entreprise ! – l’Opinion

« Le député européen (UDI), vice-président de la commission transports au Parlement européen, estime que le modèle ferroviaire français est au bord de l’explosion

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Les faits – Les représentants du Conseil et du Parlement européen sont en pleines négociations sur le quatrième paquet ferroviaire, qui repousse à 2026 l’ouverture à la concurrence des lignes de service public. Pour les lignes à grande vitesse, l’ouverture se fera en 2020, mais avec des restrictions qui la « vident de son contenu sur la gouvernance », « dénonce Dominique Riquet.

Les quatre syndicats représentatifs à la SNCF ont appelé à la grève pour défendre les conditions de travail des cheminots. Qu’en pensez-vous ?

Le modèle ferroviaire français s’enfonce tout doucement dans la crise et, au lieu de prendre les mesures qui s’imposent, on est en train de le plomber. D’une part, la France s’oppose à toute ouverture correcte à la concurrence au niveau européen. D’autre part, à l’échelon national, les discussions sur le décret-socle ferroviaire et la convention collective de branche sont inquiétantes. Le déficit de compétitivité de nos cheminots est d’à peu près 35% (vis à vis de leurs homologues allemands). Or le ministre des Transports propose de mettre au même niveau les travailleurs qui se trouvent dans des systèmes non nationaux du fret et « d’améliorer » leur situation statutaire et salariale. Ces mesures vont charger la barque alors que le système ferroviaire génère aujourd’hui une dette cumulée, infrastructures et exploitation, qui avoisine les 50 milliards d’euros. A un moment donné, ce système va exploser, vous ne pouvez pas accumuler les dettes de manière indéfinie. A l’étranger, les filiales de la SNCF gagnent de l’argent et prouvent que le transport ferroviaire est une activité qui peut offrir de bons services et être rentable. En France, il y a de moins en moins de trains, la ponctualité est en baisse, il y a un nombre record d’évènements concernant la sécurité, mais on continue à creuser le déficit et à perdre de l’emploi. Cherchez l’erreur !

Quelles seraient les mesures à prendre ?

Il faut d’abord ouvrir le secteur à la concurrence : les contribuables arrêteraient de financer un puits sans fonds et les passagers paieraient moins cher pour un meilleur service. Les transports en commun doivent en outre être au service du public. Les voyageurs continuent à être pris en otage par des grèves insurrectionnelles, totalement injustifiées, qui visent à défendre un statut exorbitant qui est en train de couler l’entreprise. Regardez le niveau moyen des salaires à la SNCF, la durée du travail et des congés, les nombreux avantages sociaux : c’est une caste de seigneurs. Le régime général verse 3,5 milliards par an pour payer les retraites des cheminots. Mais les gouvernements successifs préfèrent passer le mistigri au suivant.

Vous citez souvent le Royaume-Uni en exemple…

En Angleterre, ils ont ouvert le secteur à la concurrence, restructuré de fond en comble le réseau, investi 15 milliards de livres dans l’infrastructure, changé la politique tarifaire. Résultat, la fréquentation des trains a fortement augmenté, de même que la satisfaction des usagers et la performance du système. C’est exactement le contraire de ce qui se passe en France. Chez nous, le fret s’est effondré, la part modale du ferroviaire n’a absolument pas progressé et les performances du système se dégradent. Vouloir à tout prix préserver ce modèle est criminel et se fera au détriment de tout le monde, usagers, contribuables, salariés. Si vous aviez un secteur ferroviaire compétitif, non seulement vous pourriez offrir un bon service aux voyageurs mais vous créeriez de l’activité et de l’emploi. C’est ça, la bonne manière de défendre le système. Il faut arrêter de creuser la dette, de prendre les clients pour des imbéciles, de mettre à contribution le contribuable. Il faut au contraire assurer un service public de qualité en tenant compte des considérations environnementales et sociales. Regardez Jacques Rapoport, le président de SNCF Réseau ( ex-RFF) : il a démissionné parce que le système était devenu ingérable.

Les ministres des Transports de l’UE ont reporté à 2026 l’ouverture totale à la concurrence mais prévu de le faire en 2020 pour les lignes à grande vitesse. Faut-il y voir un premier pas ?

C’est un faux semblant. Le Conseil a accepté le principe de l’ouverture à la concurrence, mais en l’assortissant de multiples clauses restrictives : les contrats de service public pourront par exemple être attribués de gré à gré et le gestionnaire de l’infrastructure restera inféodé à l’opérateur de transport national. On est en train de valider un modèle intégré où les opérateurs extérieurs n’auront aucune chance de se faire entendre. Et l’Etat pourra continuer à attribuer directement des contrats de service public à la SNCF sans mise en concurrence réelle, pour des raisons politiques. Quand vous avez un déficit de compétitivité énorme, vous préférez que les concurrents n’arrivent pas sur le marché parce avec une meilleure offre moins onéreuse. Au bout du compte, il n’y aura pas d’ouverture réelle à la concurrence. Les discussions entre les représentants du Parlement européen et du Conseil avancent dans ce sens : elles devraient se conclure, d’ici un ou deux mois, par un quatrième paquet ferroviaire vidé de son contenu sur la gouvernance.

Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’interview ici.

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