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A Bruxelles, la France détricote sa propre réforme ferroviaire de 2014 ! – La Correspondance Economique

La Correspondance Economique – 19 avril : Dernière ligne droite de négociations pour l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire européen 

« Dernière ligne droite de négociations pour l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire européen Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, l’institution qui représente les 28 Etats de l’UE, veulent atteindre cette semaine un compromis sur l’ouverture à la concurrence des lignes ferroviaires passagers nationales (cf. CE du 08/10/2015). Il s’agit de la dernière étape de la libéralisation ferroviaire en Europe, après celle des services de fret (effective depuis 2007) et celle du transport international de passagers (effective depuis 2010).

Le paquet de textes en négociation (un règlement et une directive) contient aussi des dispositions approfondissant la séparation entre gestionnaire d’infrastructures et entreprise ferroviaire. Le but est d’empêcher les conflits d’intérêts et d’établir l’indépendance financière de ces différentes entités.

Selon le texte actuellement en négociation, la mise en concurrence prendrait la forme d’un accès ouvert pour les lignes ferroviaires rentables, et d’une mise en concurrence via appel d’offre publique pour les lignes subventionnées (les « obligations de service public », qui représentent 90 % des trajets en train dans l’UE). Pour ces dernières, une exception est toutefois prévue : un Etat pourra continuer à attribuer directement une ligne, sans appel d’offres, si deux conditions sont remplies. Premièrement, cette ligne devra présenter des « caractéristiques structurelles et géographiques pertinentes » (réseau de petite taille, notamment). Deuxièmement, l’attribution directe doit permettre d’améliorer les performances de la ligne en question.

La période de transition, la définition des conflits d’intérêts et le traitement des lignes à grande vitesse sont encore sur la table

A ce stade des négociations, néanmoins, de nombreuses questions restent ouvertes. Premièrement, le Parlement et le Conseil s’opposent sur la période de transition à respecter avant que les appels d’offres ne deviennent obligatoires pour les obligations de service public (OSP). Le Parlement souhaiterait que le nouveau régime rentre en application dès 2022, mais les Etats demandent un délai de dix ans à partir de l’adoption du texte – soit une application en 2026. Problème : jusqu’à la veille de l’entrée en vigueur officielle, les Etats pourraient continuer d’opérer des attributions directes valables 10 ans – ce qui repousserait l’entrée en vigueur effective à 2036.

Concernant les lignes rentables, en revanche, toutes les parties en présence semblent s’accorder pour les libéraliser à partir de 2020.

Les deux co-législateurs s’opposent également sur les lignes à haute vitesse, pour lesquelles le Conseil voudrait ménager une exception supplémentaire quand l’ouverture à la concurrence perturbe « l’équilibre économique » de la ligne. Sur ce point, ce serait surtout la France et l’Espagne qui bloqueraient les négociations. Une solution de compromis, pour le Parlement, pourrait être de faire réaliser un test pour chaque ligne à grande vitesse, et de déterminer au cas par cas si ce risque de déséquilibre économique existe.

Troisième point significatif, les deux institutions s’opposent sur la définition des conflits d’intérêts que la directive veut éviter entre les gestionnaires d’infrastructures et les entreprises ferroviaires. Le Conseil souhaite limiter la définition de ces conflits aux « fonctions essentielles », mais le Parlement veut étendre cette définition à la gestion du trafic et aux plans de maintenance.

Là encore, ce serait la France qui bloquerait : Paris a transmis une proposition d’amendement la semaine dernière, qui restreint la notion de « conflit d’intérêts » et ôte au régulateur ses prérogatives en la matière (cf. CE du 15/04/2016). Si cet amendement est repris comme tel, le régulateur ne pourra plus donner d’avis a priori sur les nominations, précise l’eurodéputé français Dominique RIQUET (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe), impliqué dans les négociations. Avec cette proposition, la France essaie de détricoter sa propre loi de réforme ferroviaire de 2014, s’agace-t-il.

De façon plus anecdotique, une opposition subsiste sur les modalités de l’exemption relative aux obligations de service public (exemption soumise à la double condition de « caractéristiques pertinentes » et d’amélioration de la performance, cf. supra). Le Parlement veut que chaque application de cette exemption soit validée par une autorité indépendante. Au niveau du Conseil, en revanche, on juge que la possibilité d’un pourvoi ultérieur en justice est suffisante.

Toujours sur l’exemption en matière d’obligation de service public, les deux co-législateurs s’affrontent sur la question de l’accès au « matériel roulant » (aux trains) pour les nouvelles entreprises remportant un appel d’offres pour OSP. Le Parlement veut que les Etats assurent à ces entreprises un accès non-discriminatoire au matériel roulant, mais le Conseil veut réaliser une évaluation pour chaque cas particulier. Le Parlement pourrait accepter de s’aligner sur la position du Conseil, à condition que le document résumant l’évaluation soit systématiquement rendu public.

Certaines sources mentionnent également des divergences sur les dispositions sociales, le Conseil s’opposant à la mise en place d’obligations supplémentaires en case de reprise d’entreprise. Enfin, M. RIQUET précise que des points restent à régler sur la billettique multimodale et intégrée.

Précisons que les deux textes actuellement négociés constituent le pilier « politique » du 4ème paquet ferroviaire, présenté en janvier 2013 par la Commission européenne. Le pilier « technique » de ce paquet, qui porte sur la sécurité et l’interopérabilité ferroviaires, a déjà fait l’objet d’un accord entre le Parlement et les Etats membres, en juin dernier. »

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