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Europe: rendre hommage aux fondateurs, poursuivre l’œuvre

À l’image de l’État français, l’Europe ne s’est pas faite toute seule. Elle s’est faite, ne se fait et ne se fera que de mains d’hommes. C’est donc une œuvre d’intelligence et de volonté. Et comme toute construction politique, elle est l’enfant de la patience et du temps, mais aussi de l’action. Profitons de son jour de fête pour dresser un bilan.

Après des siècles de guerres entre nos peuples, l’Europe célèbre 70 ans de paix. Une paix continentale, cher payée, qui nous paraît désormais naturelle voire éternelle. Si la projection dans la fiction n’enrichit pas toujours le débat, gardons bien à l’esprit que d’autres guerres auraient pu survenir.

L’Europe, c’est une richesse inégalable de courants et d’idées. Tel est le sens de notre devise: chaque identité préservée dans une heureuse diversité. N’en déplaise aux Cassandres, et pour paraphraser le Général, la France compte toujours 365 sortes de fromage. Mieux encore, l’Union européenne (UE) préserve la distinction entre la pâte dure et la pâte molle avec les AOC (appellation d’origine contrôlée). Intégration n’est pas uniformisation.

Bien plus encore, l’Europe c’est : la première puissance commerciale du monde, le leadership dans la transition énergétique et dans la recherche, la conquête de l’espace, …

Les critiques persistent malgré ces succès. Pourquoi tant de scepticisme, ou pis d’indifférence ? C’est que les choses ne sont jamais si simples. L’Europe pêche, aujourd’hui, par inachèvement car elle est souvent le fruit de consensus mous. Quel triste règne que celui de la règle de l’unanimité entre les chefs d’États membres, qui implique que moins disant soit synonyme de gagnant.

Pourtant, il suffit de suivre l’inspiration – c’est à dire la vraie sagesse – des citoyens européens pour constater, sondages après sondages, le souhait d’une Europe accomplie. Dans notre monde globalisé, chaque concitoyen comprend que seule une Europe forte pourra préserver sa façon d’être au quotidien. Une Europe achevée passerait notamment par quelques réformes concrètes :

  • Une politique migratoire enfin européenne. Les tragédies méditerranéennes nous l’imposent. Peu le savent, mais le contrôle des frontières extérieures de l’Union est du ressort exclusif des États membres. Comble du comble, le bouc émissaire préféré des populistes, l’agence européenne Frontex chargée de la coordination de ce contrôle, n’est qu’un nain budgétaire aux pouvoirs d’action très limités.
  • Une union fiscale et sociale dans la zone euro pour mettre fin aux situations de dumping (optimisation fiscale, concurrence déloyale avec la course à l’impôt sur les sociétés le plus faible, tourisme social).
  • Une Europe de la défense soutenue par une diplomatie commune : pensons aux économies d’échelle potentielles que permettrait le partage des coûts des interventions et des armements. Est-il besoin de rappeler que la France fait la guerre seule en Afrique au bénéfice de ses partenaires européens ?
  • Un marché unique du numérique (un seul régulateur plutôt que 28, la fin des frais d’itinérance, ou « roaming« ), seul à même de permettre l’émergence de champions européens qui rivaliseront avec les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon).

Préservons l’unité et la continuité de l’UE, deux conditions sine qua non de toute construction collective pérenne. Garante de notre indépendance, l’Europe nous protège et renforce notre enracinement dans la mondialisation. Elle nous permet de réussir ce que les Etats seuls ne peuvent accomplir. C’est uniquement en partageant notre souveraineté à ce niveau que nous garderons la maîtrise de notre destin face aux défis globaux que l’Histoire nous impose. Unis dans la diversité mais, plus encore, unis dans l’adversité.

 

Tribune de Dominique Riquet intitulée « Europe: rendre hommage aux fondateurs, poursuivre l’œuvre » et parue samedi dernier à l’occasion de la fête de l’Europe sur le site Slate.fr

 

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