Ils en parlent

Brexit : les Anglais mangent à la carte – France Bleu Nord

France Bleu Nord, jeudi 23 juin : j’étais l’invité de la rédaction pour répondre aux questions sur le référendum britannique, et expliquer plus avant ma conviction selon laquelle une sortie du Royaume-Uni permettrait de relancer l’intégration européenne. Pour écouter ou réécouter l’émission, cliquez ici.

Brexit

Verbatim de mon intervention :

Si le Brexit devait avoir lieu, est-ce que finalement ça serait un problème pour l’Europe ?

            Cela serait un problème pour les deux partis, c’est clair. Je crois que pour l’Europe, c’est toujours à la fois un regret et un mauvais signal. Mais en même temps, ça permettrait probablement d’avancer vers plus d’intégration. On sait que les Anglais ont toujours été un obstacle à l’intégration européenne, dans laquelle il ne voit qu’un marché, un marché de capitaux, un marché de marchandises… Ils ne sont pas des intégrateurs politiques, et en ce sens, un Brexit permettrait, je l’espère, à l’Europe d’avancer.

Les Anglais sont un frein plutôt qu’un élément moteur ?

             Clairement. C’est ce qu’a dit notre ami Jean Louis Bourlanges, avant ils avaient un pied dehors, un pied dedans, et s’ils sortent ils auront un pied dedans, un pied dehors. Ils ont toujours été dans une situation « je prends ou je ne prends pas : je suis dans l’Europe, mais je ne suis pas dans l’Euro ; je suis dans l’Europe mais je ne suis pas dans Schengen ; je suis dans l’Europe, mais je suis pas dans Europol… »

Un peu les enfants gâtés ?

             Un peu particulier, voilà. Ils mangent à la carte.

Est-ce que pour autant, [un Brexit] ne risquerait-il pas d’affaiblir l’Europe, considérant que le Royaume-Uni est quand même une grosse puissance ?

             C’est une perte si les Anglais s’en vont, c’est une perte économique, historique aussi je pense et sentimentale, mais c’est un gain institutionnel. L’Europe actuellement est à un carrefour : on a de gros problèmes de réfugiés, de sécurité, de sûreté, de terrorisme, de frontière, des problèmes aussi fiscaux et sociaux. Et pour résoudre ces problèmes, on a vu que les États membres séparément n’y arrivaient pas. Les « chicaillades » du Conseil des Chefs d’État montrent bien qu’il n’y a pas de solutions séparées, il n’y a que des solutions européennes pour ces problèmes ; et ces solutions, on aura beaucoup plus de mal à les trouver avec les anglais, c’est sûr.

On parle beaucoup dans le cadre du Brexit des fameux accords du Touquet. Est-ce que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pourrait régler notamment le problème de ces migrants qui sont bloqués à Calais ?

             Moi je l’espère. Le traité du Touquet, c’est un traité entre deux nations, mais il s’exerce dans le cadre aussi de la communauté européenne. Donc à mon avis, je pense qu’il serait souhaitable de le dénoncer et à ce moment-là, de renvoyer effectivement l’Angleterre à ses frontières, si je puis dire, et ses frontières à l’Angleterre. J’espère que ça serait l’occasion d’avancer significativement et de se débarrasser de ce problème.

Est-ce qu’une victoire des eurosceptiques pourrait entraîner un mouvement de fond en Europe ? On a entendu le Front national qui réclame un référendum sur le maintien ou non dans l’Union européenne, est-ce qu’il y aurait un risque de contagion finalement ?

             Très sincèrement, je ne le crois absolument pas. Le seul pays qui pourrait probablement être tenté – qui est dans une situation assez analogue, c’est à dire dehors pour Schengen, dehors pour l’euro, etc. -, c’est le Danemark. On a un certain nombre d’éléments et de sondage qui montrent que les partis d’extrême droite populistes, et d’extrême gauche aussi d’ailleurs, sont en général europhobes, mais ils ne font pas majorité dans aucun pays.

Donc a priori pas de risques effectivement que cette question se pose ailleurs, ou en tout cas, de façon aussi franche qu’au Royaume-Uni ?

             Que la question se pose, c’est une chose, et je ne crois pas d’ailleurs qu’elle se posera, mais si elle se posait, je pense que là la réponse ne serait pas douteuse comme pour les anglais, ça serait le maintien.

Vous, vous considérez que l’Europe doit exister, doit être forte vis-à-vis des autres blocs, comme effectivement en Asie ou aux Etats-Unis ?

             On a bien compris que l’Europe qui n’avait pas en charge, pas responsable, pas attitrée pour des problèmes de frontière, de politique de défense…. n’arrivait pas à régler ses problèmes à l’échelle des États-membres. Par exemple, vous ne contrôlez pas les réfugiés aux frontières, les Grecs n’arrivent pas à les contrôler seuls, donc c’est clair qu’il faut que tout le monde leur donne un coup de main. C’est pareil pour beaucoup de choses. Et en ce qui concerne le problème économique, l’Europe c’est le premier espace économique du monde lorsqu’elle est prise dans son ensemble et elle peut à ce titre-là, discuter d’égal à égal, voire mieux même, avec les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil… Mais aucun pays d’Europe, fut-ce l’Allemagne, n’a la taille pour discuter et peser sur la scène internationale seul. C’est clair.

Le Royaume-Uni doit-il rester dans l’Union européenne ?

             Je ne veux pas être inamical vis-à-vis de nos amis anglais, mais je pense que, compte tenu de leur spécificité, de leur insularité, ce sont des freins à l’intégration européenne, je pense qu’ils ne seraient pas plus mal dehors, effectivement.

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